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Théâtre : Maitre Puntila et son valet Matti en tournée

mercredi 31 octobre 2012, par Pierre François


« Maître Puntila et son valet Matti » [1] est une pièce de Brecht, donc à priori plus dogmatique – et longue, histoire que l’auteur soit bien sûr qu’on ai compris son message gauchisant – que théâtrale. Il est donc remarquable que Guy-Pierre Couleau soit parvenu à donner une épaisseur à ses personnages, telle que le texte est rendu vivant, comique parfois, par des rôles bien tenus et à la psychologie réelle. Tenant compte de ce que l’auteur s’était inspiré des « Lumières de la ville » de Chaplin, il a créé une mise en scène apparentée à l’ambiance du film. Et le fait qu’il ait donné un style cabaret à la pièce – trois heures sans entracte – contribue également au fait qu’on la dévore sans jamais consulter sa montre. Dès sa première intervention, on s’aperçoit que la comédienne qui interprète les chants entre les tableaux possède un organe absolument remarquable. C’est un vrai plaisir que de l’entendre !

La pièce est est fondée sur une inversion à la fois dérisoire et comique : le maître ne devient lucide et bon que quand il est ivre. Bien entendu, comme tous les ivrognes, il veut régulièrement cesser de boire tout en s’octroyant une dernière bouteille pour fêter cet évènement. Au milieu de cette décadence, sa fille et son valet vont éprouver des sentiments de plus en plus précis. A ceci près que les éducations – et par conséquent les modes de vie et les façon de s’exprimer – sont vraiment différents.

Le valet rejoint le personnage moliéresque de la suivante : il voit tout et n’a pas sa langue dans sa poche. Autour du trio père-fille-valet gravitent d’autres personnages (le couple du pasteur et de sa femme est traité avec humour) qui sont là pour faire avancer l’intrigue et donner l’occasion à chacun d’étaler ses contradictions. Un moment d’émotion mérite d’être signalé, lorsque les femmes de toutes conditions font bloc pour encourager la fille à réussir l’épreuve qui permettra de savoir si elle peut se marier à quelqu’un de pauvre.

Et si la pièce est bien à thèse, elle ne dit pas grand chose de nouveau par rapport aux autres contextes historiques, depuis le théâtre grec jusqu’au divertissement boulevardier ; le fossé séparant les maîtres et les serviteurs est simplement exposé dans un langage plus engagé politiquement.

On note par ailleurs que l’auteur connaissait les Écritures : il fait référence aux vierges folles et au commandement demandant d’honorer ses parents.

Le rythme est soutenu et sans faiblesse, même si le propos semble parfois décousu tant l’action est rapide. On tient là une mis en scène qui a su insuffler de la vie à un texte assez dogmatique, et les rôles, s’ils sont tous joués à la limite de la caricature – ce qui leur confère une force comique – n’y tombent jamais.

Nombreux sont ceux qui pourront profiter de ce beau travail : la pièce tourne de Chatenay-Malabry à Lyon en passant par dix autres lieux entre maintenant et avril prochain.

La tournée

« Maître Puntila et son valet Matti, pièce populaire » sera du 13 au 25 novembre à la Piscine de Chatenay-Malabry, les 6 et 7 décembre à La Coupole à Saint-Louis, les 11 et 12 décembre à Scène Vosges d’Epinal, du 7 janvier au 3 février au théâtre des Quartiers d’Ivry, le 7 février à la Scène du Jura à Dôle, le 19 février aux Transversales à Verdun, le 22 février au théâtre de Fontainebleau, du 5 au 7 mars à la Scène nationale d’Angoulême, du 11 au 13 mars au C.D.N. Nouvel Olympia à Tours, du 19 au 27 mars au théâtre national de Strasbourg, du 8 au 20 avril à la Croix rousse de Lyon.

Pierre FRANCOIS

Notes

[1] « Maitre Puntila et son valet Mati », de B. Brecht, trad. Michel Cadot. Avec Pierre-Alain Chapuis, Luc-Antoine Diquero, Sébastien Desjours, François Keregoulay, Nolwenn Korbell, Pauline Ribat, Rainer Sievert, Fanny Sintès, Serge Tranvouez, Jessica Vedel, Clémentine Verdier. Mise en scène : Guy-Pierre Couleau. Lumières : Laurent Schneegans. Musique : Paul Dessau et Philippe Miller.


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