Théâtre : Les cahiers de Malte Laurids Brigge

« Les cahiers de Malte Laurids Brigge » [1] au Petit Hébertot tient les promesses poétiques du titre. Dans un décor illustratif évoquant un contexte de fin d’une époque se meuvent deux personnages, Malte et sa mère, qui offrent un montage de cette œuvre poétique connue. Les personnages sont crédibles, le ton est délicat, l’ambiance est parfois fantastique, les questions sont essentielles (avec assez de respect envers l’auditeur pour n’y pas répondre), rythme et musicalité des mots sont aussi prenants que le fond, bref, on est rapidement transporté dans cet univers à la fois surprenant et si familier de Rilke.

Dommage qu’on soit si mal assis (demander les bouts de rangées pour les personnes aux longues jambes) pour entendre siffler les flèches du poète : « aimer, c’est rayonner d’une manière inépuisable », « être aimé, c’est se consumer dans la flamme, passer », [le vieil homme] « est là comme un chandelier qui achève de brûler », « comment imaginer qu’il y a quelque part des visages qui sont dans la lumière de Dieu ? »...

Une seule question demeure. Ce style aussi délicat que la dentelle qui environne les personnages, parfois un peu emphatique, est-il fidèle aux émotions éventuellements rudes du poète ? Seuls les spécialistes sont aptes à trancher. En attendant, on vit là un moment fort.

Pierre FRANCOIS