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Théâtre : "Le silence de la mer"

jeudi 8 septembre 2011, par Pierre François


Vu avant que ce spectacle ne parte à Avignon, « Le silence de la mer » [1] était déjà impressionnant. Deux comédiens sur trois ont changé et le voilà encore mieux, ce qui était pourtant difficilement concevable !

« Le silence de la mer » fait partie de ces chef d’oeuvre qui se sont immédiatement imposés. Vercors en avait lui-même prévu une adaptation théâtrale. Elle a la forme d’un monologue interrompu de silences dans une atmosphère qui ne peut être rendue que par un jeu quasiment muet de l’oncle et la nièce.

La version d’Avignon frappait déjà par sa sobriété et la solitude de l’officier allemand était très bien mise en valeur par la distance à laquelle il se heurtait. En même temps que sa noblesse rencontrait un écho muet dans le comportement distant mais pas hautain de ses hôtes. La seule ambiguïté tenait au fait que tout le monde ne connaissant pas le chant des partisans, on se demandait un peu pourquoi l’oncle reprenait en fin de pièce le pistolet qu’il avait déjà sorti de son tiroir, contemplé et remis en place deux fois. La pièce était déjà tellement bonne qu’elle a été vendue pour une tournée qui démarre dès les mois prochains alors que la règle générale est qu’on programme avec un décalage d’un an.

Pourquoi évoquer ce passé ? Parce qu’actuellement, après que les rôles des français aient été repris par d’autres interprètes, la pièce a trouvé le moyen de s’enrichir encore. Le rôle de l’officier, s’il dispense toujours autant d’énergie, laisse transparaitre à travers de subtiles modulations – et non plus seulement par le texte – l’exaltation, l’amour ou le désespoir qui sont les siens.

En face, les jeux de regards se sont multipliés, des yeux qui se baissent ou se lèvent au voile dans le regard en passant par un vrai langage amoureux muet, aussi retenu qu’expressif. Les changements infimes d’attitudes aussi, du cou qui se tend imperceptiblement à la lèvre qui s’entrouvre à l’écoute d’une intonation aimée... Dans ce contexte, le fait de reprendre une photo contemplée par l’officier et de la reposer image contre la table devient un geste d’une extrême violence. Et les deux seules répliques de l’un et l’autre au soldat aussi patriote qu’artiste (« Il est beau pour un soldat de désobéir à des ordres criminels » pour l’oncle, et « adieu » pour la nièce) prennent une portée d’autant plus grande qu’elles sont servie avec une intonation parfaitement en phase avec l’émotion qui circule sur le plateau à cette seconde même. Bref, cette interprétation est à la hauteur de l’oeuvre de Vercors.

Pierre FRANCOIS

Notes

[1] « Le silence de la mer », de Vercors. Avec Joël Abadie, Jean-Pierre de Lavarenne, Alicia Roda. En alternance au théâtre du Nord-Ouest jusqu’au mi-décembre, 13, rue du faubourg Montmartre, 75009, Paris, tél. : 01 47 70 32 75. Et le 4 novembre à Yssigneaux, en attendant confirmation des dates de 2012 et 2013.


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