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Theatre : Le Horla

vendredi 25 novembre 2011, par Pierre François


« Le Horla » [1]est un spectacle qui peut faire peur. À double titre. D’une part à cause de la progression – très réussie – de l’ambiance. D’autre part du fait qu’il inspire des réactions pour le moins contrastées, la mise en scène étant délibérément moderne.

Sur un plateau nu, on trouve un pupitre à jardin. Au centre, un tabouret métallique, une lampe baladeuse et une bouilloire électrique rouge. À cour, rien. Les lumières sont toujours blanches et crues, directes et sculptant les reliefs et visages de façon inquiétante, mettant au passage en valeur la dualité du personnage. Il n’y a qu’au début et à la fin – ce qui est logique puisque le début de la pièce est en fait la conclusion de l’histoire – qu’elle est d’un rouge envahissant et violent.

On est d’abord face à une performance d’acteur : la mémorisation du texte, la capacité à changer de ton à volonté (jusqu’à imiter celui de P. de Villiers dans un extrait sur l’âme), le fait de tirer plus ou moins longtemps chaque syllabe, tout cela témoigne d’une virtuosité. Mais a-t-elle un sens ?

Oui, car elle est au service d’une progression d’atmosphère très bien menée. On part d’une attitude de dandy mélancolique contrastant avec un cadre dur et, peu à peu, on arrive à un accueil, souligné par un jeu de grandes orgues, au royaume de la folie pure. De l’un à l’autre les étapes sont très douces, démarrant avec de simples gestes ambigus, comme une main qui se lève au moment où le personnage dit qu’il salue un bateau, mais qui s’arrête au coin de son menton dans une attitude pensive. Ou bien un autre faisant penser à une cuillère qu’on tourne dans une tasse et qui se révèle être le blaireau dans le savon à barbe.

Les ambiguités suivantes vont donner corps au mystère tout en menant le héros à poser des gestes pour le moins originaux (se passer le visage et les mains à la mine de plomb pour voir si c’est lui ou non qui boit l’eau de sa table de nuit). De faits inexplicables en débuts de délires, les tentatives de rationalisation se multiplient sans qu’aucune soit satisfaisante... Bref, on est pris par la pièce.

Laquelle n’est ni celle du siècle ni à jeter aux orties : c’est une interprétation parfaitement efficace dans un style moderne qui met en valeur l’étrangeté du texte. À partir de là, y aller ou non devient juste une question de sensibilité, étant toutefois fait observer qu’on a ici la démonstration du fait que le contemporain ne rime pas – loin de là – avec l’incompréhensible !

Pierre FRANCOIS

Notes

[1] « Le Horla », de Guy de Maupassant. Mis en scène par et avec Jérémie Le Louët. Du mercredi au samedi à 19 heures, dimanche à 15 heures jusqu’au 18 décembre au théâtre Mouffetard, 73, rue Mouffetard, 75005 Paris, métro « Monge », tél. : 01 43 31 11 99.


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