Théâtre : La Mort de Marguerite Duras

Pour bien saisir le contexte de « La Mort de Marguerite Duras » [1], il faut avoir à l’esprit le fait que l’auteur est argentin. Né en 1933, il a connu les années de dictature. Pas étonnant donc à ce que son écriture se caractérise à la fois par une musique poétique frappante et une violence à peine contenue, le tout dans un contexte de suspense perpétuel. Le cocktail est rare, mais très réussi sur la scène de la Manufacture des abbesses.

Seul en scène, Jean-Paul Sermadiras attend que la musique – une note unique et à peine modulée – soit bien installée pour, d’une diction très claire et faisant preuve de la même modulation commencer le récit de la mort d’une mouche qu’il baptise Marguerite Duras (clin d’œil à un texte de cette dernière dans lequel elle dit avoir été émue par le même événement). On est alors emporté autant par la musique que par le propos, quand même étonnant. Dès lors, les souvenirs déclenchés par ce premier flash ne surprennent pas plus, on en jouit simplement en se laissant bercer par la narration sans fard de moments particulièrement humains. Qu’ils évoquent l’amour, la violence ou la mort, on sent que ni le comédien ni l’auteur n’ont triché. C’est d’autant plus évident que tout est fait pour mettre d’abord le texte, et lui seul, en valeur : par exemple, lorsqu’au début de la représentation le comédien commence à parler, il est d’abord de dos et même lorsqu’il se tourne son visage, éclairé à contre, reste dans l’ombre, simplement auréolé par une chevelure blanche. On peut presque écouter cette pièce les yeux fermés pour mieux en appréhender la musique des mots, en même temps que leur vérité profonde.

Pierre FRANCOIS