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Théâtre : Je m’appelle Don Quichotte

jeudi 29 septembre 2011, par Pierre François


« Je m’appelle Don Quichotte » [1] est un de ces spectacles qui marquent ! Qui sont tous ces personnages ? Quelle réalité partagent-ils ? Où et quand sommes-nous ? Ce n’est pas le début de la pièce qui nous le révèle, sorte d’explosion en plein désert après que la scène ait été baignée dans une atmosphère de hall d’aéroport, avec une annonce demandant « une jeune fille sachant danser, parlant espagnol et ayant quelques notions de chevalerie errante... ».

Le point fort de cette pièce tient dans sa loufoquerie complètement maîtrisée. De ce point de vue, les bruits d’aérogare se superposant à ce lieu énigmatique au milieu duquel trône une vieille Mercedes aident à comprendre, tout en attendant le début de la pièce, qu’il ne faut surtout pas y chercher de cartésianisme. Ce qui ne signifie évidemment pas qu’elle n’a pas de sens. Mais il est amené différemment. Car au-delà de l’apparent désordre, on perçoit avec une évidence manifeste tout ce qui est commun à ces personnages si dissemblables : le fait de vivre un mythe, un côté « borderline », des couples en souffrance, une vie hors du temps...

Certains aspects sont volontairement ambigus : lorsque Carmen répète le rôle de Dulcinée avec la complicité forcée de la femme de Sancho Panza et que Don Quichotte, dans la pénombre, tourne le regard vers elle, est-il censé la voir ou non ? Peut-être l’imaginer en songe ? Ce point n’est pas éclairci, et là est la logique de cette pièce, pour laquelle l’important est ailleurs : dans l’idée de quête perpétuelle, et alors pourquoi ne la verrait-il pas puisque sa recherche de pureté l’obsède jusque dans ses rêves ?

Un autre point essentiel de la pièce est dans la symbolique de l’amour sans condition de Don Quichotte pour un être qu’il n’a jamais rencontré. N’est-ce pas là l’attitude du croyant face à la divinité ? La rencontre, fugace mais pleine de vérité, entre Don Quichotte et Carmen a été travaillée en ce sens. Et de ce moment émane effectivement une forte intensité.

Impossible de parler de cette pièce sans évoquer son aspect musical. Tantôt ce sont les comédiennes qui chantent, d’une voix juste, puissante et prenante. Tantôt c’est le pianiste qui interprète des œuvres d’Henri Dutilleux. À chaque fois, la partie musicale rehausse la dimension étrange et fantasque de la pièce.

Que dire quant au jeu, si ce n’est que l’on croit aux personnages et à leur côté déjanté dès le début ? Thérèse est aussi folle de jalousie que psychorigide Sancho Panza aussi paresseux qu’amoureux de Thérèse, Don Quichotte complètement allumé, le peintre perpétuellement énigmatique et Carmen-Dulcinée d’une vérité frappante. Au fond, discrètement, François Cornu, main quasi invisible de la partie musicale, est au piano...

Pour être complet, il faut mentionner que la pièce a été écrite par Mathieu Genet, un complice de longue date d’Emmanuel Ray, metteur en scène. Il résume son travail d’écriture ainsi : « j’ai trahi le roman, j’ai inventé des personnages, j’ai mélangé les époques, les lieux. J’ai renversé le mythe. Je suis entré en courant dans le château en me disant qu’après tout, je pouvais essayer de faire peur aux fantômes ». Des trahisons comme celle-là, on aimerait en voir tous les jours !

Pierre FRANCOIS

Notes

[1] « Je m’appelle Don Quichotte », de Mathieu Genet, librement inspiré de Miguel Cervantès. Rue des Bellangères, CM 101 (à côté du séminaire des barbelés), 28630 Le Coudray jusqu’au 23 octobre puis tournée nationale en août, tél. : 02 37 33 02 10 (Théâtre en pièces) ou 02 37 18 26 26 (office de tourisme de Chartres). Avec François Cornu (piano), Nicolas Pichot (Don Quichotte), Mathilde Leclere (Dulcinée), Fabien Moiny (Sancho Panza), Mélanie Pichot (Thérèse), Emmanuel Ray (Martin Lernulcen ; metteur en scène). Attention : toilettes d’accès difficile.


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