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Théâtre : Illumination(s)

mercredi 16 mai 2012, par Pierre François


Les relations franco-algériennes ont toujours été passionnelles. Ici, un metteur en scène, fait exceptionnel, parvient à mettre en évidence des caractères communs sans masquer de douloureuses vérités. Signe que les temps changent.

En effet, « Illuminations » [1] est une pièce réussie qui mérite une mention très particulière. Quant à la forme, elle est précédée d’une installation vidéo – « Terres arbitraires » – qui est tellement en phase avec la suite que la transition se fait avec une naturel ahurissant. Quant au fond, elle est d’abord le travail de jeunes amateurs auxquels un metteur en scène pédagogue a demandé de jouer l’intégration et ses difficultés au Val Fourré, leur quartier à Mantes-la-Jolie. Mais Ahmed Madani n’est pas que bon éducateur, c’est aussi un véritable artiste pour lequel le fait de donner une dimension sociale – occuper des jeunes dont on ne sait comment ils tourneraient sinon – à son travail ne sert pas d’excuse à un niveau artistique moyen. C’est même le contraire : on est en présence d’une excellente pièce !

Le souci du metteur en scène est non pas de dénoncer mais de montrer l’étoile qui pointe à l’horizon. Même si un travail honnête – et il l’est – l’oblige à concéder que cette lueur d’une intégration réussie pour les immigré est encore vacillante, alors qu’on en est rendu à la troisième génération. Cette honnêteté montre néanmoins, y compris à travers des passages très durs, que tous les hommes sont animés de la même force vitale, par delà des contextes culturels différents, voire opposés. Un passage marquant de ce point de vue est celui du moudjahid algérien torturé qui clame sa foi en sa cause avant de conclure par le Chant des partisans. Toute Résistance serait-elle animées par un esprit commun, quelle que soit l’idéologie qui s’en empare, et toujours invincible ? La question est posée.

« La Vérité vous rendra libre », écrit saint Jean (Jn 8, 32). Certes, on ne parle pas des mêmes vérités, mais cette pièce, par son désir de ne rien théoriser, de rester humaine par delà les clivages partisans, possède une vertu catharsique et pousse chacun en avant de ses propres convictions, sans vouloir nous faire entrer dans aucune en particulier.

Elle n’est pas angélique – mais ne diabolise personne non plus – pour autant et il faut attendre la fin pour voir paraître une lueur indéniable d’espoir. Là encore l’honnêteté prévaut : lorsque l’on dit au metteur en scène que chaque génération d’immigration a cru en une intégration possible pour celle qui la suivrait immédiatement et qu’apparemment rien n’a avancé, il répond simplement que « les changements se font seulement petit à petit », et conclut avec un sourire émerveillé : « savez-vous quel est le second plat préféré des français aujourd’hui ? Le couscous ! ». Alors, oui, on a envie de croire avec lui en une fusion des antagonismes historiques, qui ne nie et n’oublie rien mais sait faire confiance à l’avenir en construisant le présent. À ce titre, on est dans une pièce parfaitement politique, mais qui sait être de qualité alors que les œuvres voulant servir une cause sont en général les plus rébarbatives...

L’installation vidéo immersive « Terres arbitraires »

Le titre et la légende de l’installation peuvent faire peur, mais à tort. Il s’agit simplement d’une série d’écrans de toutes tailles sur lesquels apparaissent alternativement des visages de jeunes des cités et les noms de ces dernières. En fond sonore, désynchronisé par rapport aux apparitions, on entend des fragments de discours (de toutes origines) sur le phénomène des banlieues. Là encore, le fait de laisser le spectateur libre en ne lui montrant que ce qu’il y a de plus humain – des regards – nous pousse en avant de nos propres convictions, sans violence ni esprit d’embrigadement.

Pierre FRANCOIS

Notes

[1] « Illumination(s) », de et mis en scène par Ahmed Madani ; précédé par l’installation vidéo immersive « Terres arbitraires » de Nicolas Clauss. Avec Boumes, Abdérahim Boutrassi, Yassine Chati, Abdelghani El Barroud, Mohamed El Ghazi, Kalifa Konate, Eric Kun-Mogne, Romain Roy, Issam Rachyq-Ahrad. Du mardi au samedi à 21 heures, dimanche à 18 heures jusqu’au 3 juin au théâtre de l’Épée de bois, Cartoucherie, route du champs de manœuvre, Paris XII, tél. : 01 48 08 39 74.


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