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Théâtre : "Gros savon"

jeudi 8 septembre 2011, par Pierre François


On parle peu de l’obésité au théâtre, ou alors uniuement sur un mode comique sans profondeur. Candice Beaudrey n’a pas oublié que le théâtre consiste à corriger les moeurs en riant. Elle a su mettre au point un spectacle comique et profond.

« Gros savon » [1]est une pièce sur l’obésité dans laquelle les mots « régime » et « sport » ne sont jamais prononcés, remarquait une consœur. Ce qui est déjà un exploit se double d’une profondeur de pensée qui ouvre les esprits. « Elle est grosse », dit-on souvent, et de s’arrêter là pour justifier un exclusion du monde féminin 90-60-90 ou rien (et du coup certaines se mettent à brandir leur volume comme un étendard, voire parfois, pour les adeptes du stock-car, les jours de marché de préférence, un pare-choc bélier).

La pièce de Candice Beaudrey, si elle est manifestement autobiographique, va bien plus loin que le désespoir ou la révolte. Elle démonte des mécanismes. Ceux des autres, qui admirent bien une femmes « plantureuse à la Rubens » (une annonce du « Chasseur français » dans les années 70, déjà...) dans un musée mais rejettent les bonnes vivantes imposantes dans l’univers mal dégrossi des hommes (« je suis un homme gay sans pénis ! »). Et qui sont plus souvent maladroits que méchants, incapable d’aborder de front un sujet qui reste tabou.

Ceux des intéressées aussi, qui sont si habituées à être délaissées par les garçons qu’elles refusent d’y croire le jour où l’un d’eux les accepte pour ce qu’elles sont et non en fonction de leurs formes.

Et la pièce de montrer au passage comment ces femmes s’enferment dans un rôle masochiste : « j’ai le devoir d’être mal dans ce corps qui incommode les autres ».

Le vocabulaire du spectacle est riche (« je suis la quintessence de l’insouciance de la faim ») et le jeu très dynamique – ce qui constitue au passage une démonstration par l’absurde des capacités de mouvement des personnes obèses : la comédienne crie, bouge, danse, et tient le rythme – n’oublie pas de frayer avec les genres oniriques et spirituels, presque satiriques parfois (« je pèche par gourmandise mais au moins ce péché-là, ça empêche la luxure, ça compense... »). Parfois aussi avec le mime, de préférence version orang-outang...

Car on n’est d’abord là pour rire – parce qu’elle le « vaut bien » – même si un message est délivré au passage. Lequel peut concerner tout un chacun. Ainsi cette tirade sur la photo du profil internet qui contraint la personne qui l’a mise en ligne à la fois à rester prisonnière de la croissance de son nombre d’amis virtuels, mais sans jamais les rencontrer en face à face pour autant. Il faut enfin mentionner ce pastiche de la tirade du nez de Cyrano, revisitée au service de la cause obèse, c’est une vraie réussite !

Pierre FRANCOIS

Notes

[1] « Gros savon », de et avec Candice Beaudrey. Mise en scène de Mélina Ferné. Au Tremplin théâtre tous les jeudi d’octobre (6, 13, 20, 27) à 20 h 30.


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