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Théâtre : Françoise Chatôt, le théâtre du Gyptis et "Roméo et Juliette"

mardi 8 mars 2011, par Pierre François


Quand on voit le curriculum vitae de Françoise Chatôt, on comprend toute la vanité du parisianisme ! Voilà une femme qui a travaillé avec Jean Le Poulain, Darras, Serreau (ce qui la détourne de cette forme de théâtre), va jusqu’en Pologne pour y suivre les cours de Jerzy Grotowski, est invitée avec Andonis Vouyoucas, codirecteur de sa troupe, par Jean-Louis Barrault au théâtre des Nations (1972), crée des spectacles depuis 1977.. Beaucoup tournent dans le sud de la France (« L’Échange », 1994, Limoges, Périgueux, Avignon, Lyon ; « Faut pas payer », 1999, Toulon, Pertuis, Avignon...), sont repris à Paris (« Louise / Emma », 1983 ; « Scènes de la vie marseillaise pendant la peste de 1720 », 1979), notamment à l’Essaïon (« la Faille », 1981), quand ce n’est pas dans d’autres régions (« Yseult et Tristan », 1977, CDN Rennes) ou à l’étranger (« Scènes de la vie marseillaise pendant la peste de 1720 », 1979, festival de Saarbrück).

Avec Andonis Vouyoucas, dont la carrière est tout aussi exemplaire, ils s’installent à Marseille dès 1971. A partir de 1976 la troupe occupe et transforme l’Espace Massilia dont la faible jauge et la configuration permettent toutes les expériences scéniques. L’aventure dure dix ans,couronnée de succès dans la mesure ou le nombre d’abonnés est dix fois supérieur à la capacité de la salle. Une étape se franchit le jour où « Le Partage de midi », créé à Marseille en 1985, tient l’affiche durant plusieurs mois au théâtre des Mathurins et obtient une très bonne presse nationale. Gaston Defferre, alors ministre tout puissant, décide de leur octroyer une nouvelle salle. Ce sera, le Gyptis, ancien cinéma de quartier qui venait d’être rénové et dont la nouvelle équipe municipale ne savait que faire. Le déménagement se fait en 1987 vers ce lieu de 700 places dont le rapport plateau-salle ne peut être que frontal.

Finies les expérimentations, et il y a tout un public populaire de quartier à conquérir. Mais pas à n’importe quel prix artistique : l’équipe va alterner les spectacles grand public (« Ruy Blas », par exemple) et contemporains (Ionesco, Beckett...) sans oublier les classiques intemporels (« Antigone », « Œdipe roi »...). Avec succès. Car, pour chasser l’image d’ovni hermétique avec laquelle l’équipe avait débarqué, elle a multiplié les approches et collaborations avec les personnes du quartier, au premier chef desquelles des invitations envoyées par la poste. Se sentant respectés, les destinataires sont venus une fois, puis deux, puis avec des amis... et au bout de trois ans 8% du public était du quartier tandis que l’élite culturelle réussissait à franchir la frontière de la Canebière pour venir jusqu’au Gyptis.

Samedi 5 mars, alors qu’une dépêche de l’AFP annonçait des morts en Égypte à la suite de relations amoureuses entre un copte et une musulmane, la troupe finissait les derniers réglages de sa nouvelle création : « Roméo et Juliette » [1]... Drame aussi éternel que la bêtise et l’intolérance !

Roméo et Juliette

Le « Roméo et Juliette » qui se joue au Gyptis prend le parti du texte de l’auteur, de costumes et sons contemporains, d’un décor intemporel et de musiques allant de Monteverdi aux plus récentes. Le cocktail est réussi dans la mesure où chaque élément est bien dosé. L’atmosphère est violente, triviale quand le texte y invite, dramatique ou comique selon les moments ou les personnages. Ces derniers sont parfaitement crédibles, qu’il s’agisse du père et de la mère de Juliette, de sa nourrice, du frère Laurent... Le talent de Juliette fait presque de l’ombre à celui de Roméo, tant il est flagrant ! Bref, dix jours avant la première, on pouvait déjà se rendre compte combien cette pièce est au point.

Pierre FRANCOIS

Notes

[1] « Roméo et Juliette », de Shakespeare. Du 15 mars au 2 avril au théâtre du Gyptis (136, rue Loubon, 13003 Marseille), à 20 h 30 les mardis, vendredis et samedis et à 19 h 15 les mercredis et samedis. Tél. : 04 91 11 00 91. Avec Agnès Audiffren, Victoire Belezy, Carol Cadilhac, Guillaume Clausse, Christine Gaya, Michel Grisoni, Ivan Herbez, Floriane Jourdain, Martin Kamoun, Charles-Éric Petit, Philippe Séjourné, Raymond Vinciguerra. www.theatregyptis.com


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