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Théâtre : Fracas au Grand Parquet

jeudi 20 juin 2013, par Pierre François


« Fracas » [1] est plus une pièce évoquant des personnes fracassées que fracassante. On lit dans la note d’intention de l’auteur et metteur en scène : « Hier soir encore, dans les communiqués de presse, on signalait le suicide d’une petite fille de neuf ans qui a inscrit dans son cahier d’écolière “j’en ai assez”, avant de se jeter par la fenêtre. » Et de préciser : « je voudrais, dans le spectacle que je suis en train d’écrire, que ceux dont la vie a basculé, ceux qui sont “passés de l’autre côté” – ces acrobates dansant au dessus de la mort – évoquent leurs moments de vertige, leur différence, les instants où, pour eux, tout a changé. »

Ces acteurs, car ils sont tous réellement acteurs au sens où ils font passer l’émotion avec autant de talent que n’importe quel « normal » (il y en a marre de toutes ces personnes qui confondent normalité avec majorité, autrement dit banalité !) peuvent être handicapé pour l’un, ancien détenu ou sans domicile fixe pour d’autres, marginaux sans étiquette pour les derniers. Bien malin celui qui saura dire auquel correspond chacun de ces profils. Car ils sont comédiens avant tout, capables de faire croire à leur personnage au point qu’on ne sait pas si c’est le SDF qui joue son propre rôle ou bien s’il l’a échangé avec un collègue handicapé ou ex-détenu.

Ex, en tous cas, ils le sont tous ! Car pour dire ce qu’ils profèrent, il faut avoir survécu au mascaret.

Alors que dire de cette pièce ? Qu’elle est excellente, non pas parce qu’elle serait jouée par des comédiens un peu exotiques, mais parce qu’ils font croire à leurs personnages dès la première seconde, parce qu’ils transmettent une émotion particulière – grave et tendre à la fois – à la salle sans recourir aux codes habituels, parce qu’ils posent des questions de fond auxquelles tout être humain se doit de répondre au moins une fois dans sa vie. Parce qu’ils savent faire en sorte que tous aient la vedette à tour de rôle, même le personnage le plus silencieux, par sa seule présence, parce que leur vie leur a fait comprendre qu’être en tête de l’affiche est insignifiant à côté de l’importance du message que cet équipage a à transmettre. Parce qu’ils sont capables de donner un sens à l’existence même quand ils accusent Dieu, se révoltent ou ne croient plus à l’amour.

Cette pièce est une vraie bonne pièce. Elle ne respecte aucun des canons du genre et on s’en fout. Parce que sa force ne passe pas par le respect d’une procédure mais par une transfusion de vie.

Pierre FRANCOIS

Notes

[1] « Fracas », projet mené par Olivier Brunhes. Avec, en alternance, Baptiste Amann, Sacha Bourdo, Thomas Caspar, Bastien Courthieu, Nathanaël Favory, Christelle Journet, Kemso, Olga Kovalevsky, Nadia Sadji, Sandra Sainte Rose, Alice Varenne, Séverine Vincent, Vincent Winterhalter. Jusqu’au 23 juin au Théâtre Le grand parquet, Jardin d’Éole, 35, rue d’Aubervilliers, 75018, métro Stalingrad ou Riquet, tél. : 01 40 05 01 50, billetterie@legrandparquet.net, www.legrandparquet.net.


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