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Théâtre : Finnegans wake

samedi 28 janvier 2012, par Pierre François


« Finnegans wake-chap.1 » [1], d’après James Joyce, est une pièce surprenante et envoûtante. Sur cette œuvre et son auteur, on entend tout et son contraire. Il est vrai que son « invention » d’un langage particulier est un défi qui tient à la fois de Babel et de l’espéranto, mais qui pourrait corjeopydre du pghnt de vue de l’écriutre à cggte thégtie selon laquelle il suffit de placer les bonnes premières et dernières lettres d’un mot pour que le cerveau retrouve desquels il s’agit.

Les jeux de mots de Joyce sont – en partie – apparentés à cette théorie. Quand on entend « violeur d’amœurs » ou « Armorique du Nord », on saisit au moins la référence à l’amour (même si en fait il s’agit d’une contraction d’« amour » et de « mœurs ») et au nouveau monde. Quant à dire que l’« on voyait la queue rugissante d’un arc-en-cil encerner le quai de Ringsend », il ne s’agit là que d’une licence poétique parfaitement compréhensible pour qui se laisse bercer par la musique des mots (et nettement plus élégante que les allusions du style « on sait où elle habite » dans une pièce comme « On est tous portés sur la question »...).

Car l’important, dans une pièce comme celle-ci, est de se laisser emporter, de ne pas chercher la rationalité. Oui, Joyce et son langage particulier sont traduits en français, ce qui est un défi ahurissant, mais même un spécialiste de cet auteur ne trouvait rien à y redire à la sortie de la pièce. Oui, Joyce fait parler ses personnages avec un accent irlandais et, en toute rigueur, il eut été logique de faire parler le texte français avec un accent marseillais ou chti. Sauf que Joyce se moque bien de la logique de ses contemporains et y substitue la sienne, celle dans laquelle la pièce nous invite à entrer. On rate un mot ? Un sens nous échappe ? Et alors, n’est-ce pas le lot de toute conversation quotidienne que de fonctionner ainsi ?

Le seul reproche que l’on puisse faire à cette pièce ne tient pas à son langage mais à sa longueur. Une heure quinze est une durée normale, pour une pièce normale, mais il est vrai que le spectateur est ici prié de fournir un effort tandis que le rythme de la pièce n’est pas toujours soutenu par une mise en scène dynamique (sauf dans la scène avec la projection de Wellington sur le mur du fond ou celles faisant intervenir de façon claire la marionnette, les déplacements ne surprennent pas tellement et l’attention du public faiblit alors).

Pour autant, il ne faut pas se priver d’aller se laisser bercer par une poésie pleine de sens et d’originalité.

Pierre FRANCOIS

Notes

[1] « Finnegans wake-chap.1 », d’après James Joyce. Mise en scène : Antoine Caubet. Avec Sharif Andoura. Du mardi au samedi à 20 h 30, dimanche à 16 heures jusqu’au 19 février à l’Aquarium, Cartoucherie, route du champ-de- manoeuvre, 75012 Paris, tél. : 01 43 74 99 61.


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