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Théâtre : Et si l’homme avait été taillé dans uen branche de baobab

mercredi 12 décembre 2007, par Pierre François


« Et si l’homme avait été taillé dans une branche de baobab » [1], il serait devenu pirogue pour aller au-delà des mers, charrette pour tenter d’atteindre l’horizon… ou flûte pour donner de l’âme à ceux qui marchent vers l’infini de leur destin.

Et si on regarde la société, force est de constater que certains ont dû être taillés dans un tronc de baobab, à côté de tous ceux qui se sont enracinés.

Cette pièce est l’histoire d’un désir en même temps que d’une réalité. Deux points nous la rendent familière. D’une part elle puise sa trame dans l’univers parabolique du conte. L’auteur a uni dans son récit le monde poétique de Le Clézio – spécialement dans son livre « Désert » – à la recherche des racines de sa propre mère, et enfin aux contes africains qui ont imprégné et l’un et l’autre. Cet univers magique qui explique chaque pratique sociale ou psychologique ravit enfants comme anciens enfants. D’autre part, la dimension familière propre au style de la fable est renforcée par le fait que la pièce n’est pas sur le phénomène collectif de l’immigration mais sur le destin d’une personne. Comme le dit la comédienne franco-éthiopienne incarnant cette jeune femme : « j’incarne une vie de migrante et c’est parce que c’est une seule vie que ce n’est pas un nombre effrayant ».

Du point de vue du travail théâtral, il faut signaler combien le public est englobé dans le décor de la pièce. Dans cet espace constitué par la remorque d’un semi de 35 tonnes dont on a triplé la largeur, la toile de jute poil de chameau figurant la tente du décor passe derrière le dernier rang des spectateurs, ceux du premier ayant les pieds dans le sable de la scène et tous pouvant goûter à discrétion le thé à la menthe préparé à la mode sahraouie en attendant le début du spectacle. Ce contexte, ajouté à quelques odeurs furtives d’encens, tient à une volonté de permettre au public de percevoir le spectacle par les cinq sens tout en se sentant invité plus que dans un rapport frontal scène-salle.

La problématique de l’immigration est présentée sous des jours parfois surprenants quoique bien réels, la pièce ayant été préparée au Burkina Faso pour précisément cerner comment le désir d’émigration est vécu en Afrique. La jeune fille ne cherche pas à s’installer à l’étranger mais à aller et revenir, elle ne cède pas à un mirage économique mais court sur la trace de son père disparu, ce n’est pas le blanc qui tente de la raisonner, c’est le pêcheur-conteur qui est revenu de la « rive des fous… des damnés ». Mais au lieu de poursuivre son entreprise de dissuasion, il raconte son passage vers l’Europe comme un voyage enchanteur. Seule la tante, qui pourtant ne connaît pas d’autre horizon que celui de son désert, a les silences et le regard de celle qui sait que « l’expérience ne s’achète pas ».

Il y a un gros travail sur les regards. Certains, spécialement du pêcheur et de la tante, sont d’une expressivité époustouflante. Une autre caractéristique de cette pièce est la façon dont les effets spéciaux sont aussi simples que spectaculaires dans la mesure où ils parlent directement à l’imaginaire, à l’émotion sans aucune médiation raisonnante.

On est vraiment face à des saltimbanques, à ceci près que la roulotte du temps de l’« Illustre théâtre » est devenue semi-remorque ou que le partage des gains en fin de représentation tel qu’il figure dans l’« Illusion comique » est remplacé par l’apprêt d’une table commune à tous, y compris les spectateurs qui le désirent.

Certes, ils jouent à Paris dans une salle en dur, mais l’« Atelier du plateau » ressemble à tout sauf à un lieu de rencontre frontale entre public et comédiens.

Cette pièce est plus qu’une représentation. C’est une expérience. Merci.

Pierre FRANCOIS

Notes

[1] "Et si l’homme avait été taillé dans une branche de baobab », de et mis en scène par Bruno Thircuir, librement inspiré du roman Désert de JMG Le Clézio. À partir de 10 ans. Avec Alphonse Atacolodjou, Jean-Luc Moisson, Fatou Nanguia Kounkou, Moussa Sanou, Malou Vigier Tegenay, Eric Biston. À l’Atelier du plateau jusqu’au 16 décembre, 5, rue du plateau, Paris-19e, M° : Buttes Chaumont, Jourdain, les mercredi et dimanche à 17 heures, mardi, jeudi et vendredi à 20 heures. Relâche le 10 décembre. Tél. : 01 42 41 28 22. Le spectacle ira aussi à Vif (38) les 13 et 15 février, La Tronche (38) les 6 et 7 mars, au festival international de théâtre du Bénin / CCF de Cotonou et de Porto Novo et au festival des tréteaux de France de Figeac (46).


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