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Théâtre : Est ou Ouest, procès d’intention

lundi 1er octobre 2012, par Pierre François


Il y a plusieurs façons de voir la politique, la plus sérieuse n’étant pas la plus distrayante. Ici, c’est à travers un destin individuel que sont interrogés deux systèmes aussi monolithiques que le capitalisme et le communisme. On reste suspendu aux lèvres des comédiens durant 75 minutes, dans l’attente de la prochaine saillie ou d’une émotion de plus. Et on n’est pas déçu !

« Est ou Ouest, procès d’intention » [1] fait partie des spectacles qui marquent autant qu’ils détonent. Avant même le début du spectacle, le ton est donné : on est libre de téléphoner ou de prendre des photos pendant la représentation, voire de venir sur scène ou prendre la parole. Car on est dans du théâtre d’agit-prop. Autrement dit, le public doit participer et tout est fait pour cela, notamment la mise en scène de procès populaire qui va se transformer en plateau télévisuel avec présence d’un public aux ordres des consignes apparaissant sur des panneaux (pour applaudir, huer ou s’étonner selon les moments). Va-t-on pour autant écouter l’avis du public ? On laisse la surprise à ceux qui auront le bonheur de voir ce spectacle.

La mise en scène et le jeu sont tellement réussis que l’on prend pour spontanées les questions du public qui ne le sont pas, et inversement. Par ailleurs, ce spectacle laisse autant à comprendre par ce qu’il dit que par ce qu’il passe sous silence, par ses emprunts à la langue de bois comme ses exagérations. Par exemple, en forçant le trait sur les avantages du capitalisme, ce qui fait ressortir ceux d’un socialisme désormais désuet. On parle ici du socialisme planifié de la RDA et du capitalisme qui a envahi assez brutalement ce territoire dès la chute du mur, et si le spectacle parle beaucoup de politique, il n’est en aucune façon politicien, mais bien plutôt humaniste et questionneur.

Et ne fait que paraphraser de façon artistique cette conférence de Soltjenitsyne qui disait en 1974 à Harvard : « Pour avoir connu un pays où le socialisme a été mis en œuvre, je ne me prononcerais pas en faveur d’une telle alternative (…) Mais si l’on me demandais si, en retour, je pourrais proposer l’Ouest, en son état actuel, comme modèle pour mon pays, il me faudrait en toute honnêteté répondre par la négative. Non, je ne prendrais pas votre société comme modèle pour la transformation de la mienne ».

Il est aussi plein d’émotion. Comment expliquer le fait que des numéros d’acrobatie simples suscitent une telle empathie vis à vis de la comédienne, si ce n’est grâce au talent d’une équipe qui sait faire rire autant qu’émouvoir ? On apprécie la façon de poser des questions mais en filigrane, qui laisse chacun libre de donner la réponse qui lui convient, et le rire franc sans vulgarité qui est suscité tout au long du spectacle.

Enfin, cette pièce peut être vue par toute la famille à partir du moment où on a quelques notions d’Histoire contemporaine.

Pierre FRANCOIS

Notes

[1] « Est ou Ouest, procès d’intention », par Philippe Fenwick et la Compagnie Escale : Grit Krausse, Hugues Hollenstein, Valo Hollenstein et Frédéric Duzan. Du 5 au 23 décembre du mardi au samedi à 21 heures, dimanche à 18 heures au théâtre de l’Épée de bois, Cartoucherie de Vincennes, 75012 Paris, tél. : 01 48 08 39 74, www.epeedebois.com, métro Château de Vincennes puis bus 112, arrêt « Cartoucherie » (un bus toutes les 20 minutes environ).


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