Théâtre : Enfance

« Enfance », de Nathalie Sarraute [1], est représenté à l’Atalante jusqu’au 23 janvier. On le sait, la particularité littéraire de ce texte est d’être donné par deux voix qui sont en fait la même personne, mais dans deux postures différentes. L’intérêt pratique et actuel de cette pièce est tout aussi original – et inattendu – que le littéraire.

Car ce que la pièce met en exergue est la façon particulière dont une enfant de divorcés vit ses relations avec ses parents et beaux parents. Qu’ils soient en conflit larvé ou ouvert ou qu’ils recherchent le bien de l’enfant, à chaque fois une interrogation, un doute subsiste dans la tête de ce dernier.

La comédienne nous fait réellement vivre le cataclysme qui se produit chez l’auteur le jour où, ayant usé d’un code pour écrire à sa mère qu’elle se sentait malheureuse, elle voit son père venir lui montrer la lettre dans laquelle son ex-femme lui reproche de la maltraiter, précisant que c’est elle, leur fille, qui s’est plainte.

De la même façon, elle interprète avec une vérité absolue la façon dont la délaissée insinue que la nouvelle femme est déséquilibrée. On a donc là une pièce qui marie un sujet de société bien actuel avec un talent artistique certain.

Car ce spectacle tient de la performance. En effet, il s’agit en fait un monologue, mais mené avec talent de sorte qu’on est toujours en attente de la suite, qu’on est toujours en train de découvrir le propos. Certes, le texte a sa part dans ce résultat, mais il n’empêche : il n’y a rien de plus périlleux que le spectacle solo.

Et si on a remarqué le soir de la première deux ou trois trous, chacun sait que c’est là ce qui disparaît en premier lorsque la pièce se rôde. Par contre, on comprend difficilement la présence d’un cahier sur la table, aux pages marquées, et on ne peut s’empêche de se poser la question : « lecture ou jeu ? ». Dommage, car pour le reste il n’y a rien à redire.

Pierre FRANCOIS