Théâtre : Duras, la vie qui va

« Duras, la vie qui va » [1] est un patchwork de textes, dramatiques ou non, de Marguerite Duras. Les spécialistes ont compté jusqu’à seize passages différents, mais qu’importe : on ne s’aperçoit aucunement des transitions. On a là en effet non pas une histoire avec un début, un développement et une fin, mais un instant complètement loufoque qui s’éternise et ne déçoit à aucun moment. Soient un homme et une femme qui se rencontrent fortuitement et commencent à parler. Lui est en panne d’essence juste à côté depuis deux ans, un jerricane troué à la main, elle habite là, où plutôt est revenue habiter là après que la justice l’ait mal comprise...
Pendant plus d’une heure cette discussion à bâtons rompus ravit un public qui rit, complice, aux saillies spirituelles ou à l’alliance de celles-ci avec une si belle musique des mots. Peu importe alors le fond du propos du moment que l’atmosphère est entretenue, sans lien avec la moindre logique tout en paraissant être complètement banale. Quoi de plus habituel en effet que la rencontre de deux personnes qui vont se livrer d’autant plus facilement qu’elles ne se reverront pas ?
On croit aux personnages non pas dès la deuxième minute, mais au bout de la première réplique ! Quant à la fidélité de ce montage par rapport à l’œuvre de Duras, on peut être rassuré : la comédienne a connu et collaboré avec l’auteur pendant plusieurs années, au point que cette dernière corrigeait son texte au cours des répétitions. Ce spectacle est un ravissement tant il est joyeusement et finement absurde.
Pierre FRANÇOIS