Théâtre : "Dieu, qu’ils étaient lourds"

« Dieu, qu’ils étaient lourds... ! » [1]est une pièce aussi bonne qu’inattendue. Le sujet en est en effet la personnalité de Céline et elle se présente sous la forme d’un entretien journalistique. La réputation du personnage est telle que certains critiques n’ont même pas voulu voir le spectacle. Dommage : l’interprétation est proprement magistrale et la pièce contribue à éclaircir les opinions de l’écrivain-médecin, presque à réhabiliter le personnage.

Il est présenté tel un solitaire désabusé qui serait l’illustration parfaite de la phrase de Boris Vian selon laquelle « l’humour est la politesse du désespoir ». Et ce cynisme affiché est-il bien réel ou bien une forme de pudeur pour ne pas avouer la profondeur de sa tristesse ? Le spectacle ne répond pas à cette interrogation mais la mise en scène rend très crédible le contexte de l’interview : les questions gênantes (et notamment sur l’antisémitisme ou la considération qu’il a pour son lecteur) sont éventuellement re-posées, fouillées, vues sous différents angles. Et on est parfois sidéré par la dimension visionnaire de certaines réponses (notamment sur la dérive actuelle de l’exposition au public de la vie privée).

Il en résulte un spectacle passionnant, parfois drôle, toujours prenant. Une vraie découverte !

Pierre FRANCOIS