Théâtre : Déshabillez mots

« Déshabillez-mots » [1]se joue dans la salle mythique des trois baudets, ou plutôt sa résurrection de par la volonté de la municipalité de Paris. On y trouve un bar-restaurant et une salle de spectacle intime consacrée prioritairement à la musique du monde francophone. On y trouve pourtant en ce moment la création d’un spectacle de strip-tease verbal.

Le décor est celui d’un studio d’enregistrement dans une station de radio : une table, deux micros et autant de chaises. En cela, les deux complices Léonore Chaix et Flor Lurienne ne font qu’évoquer leur propre chronique sur France Inter. Au fond, un décor de paroi translucide à roulette qui servira à créer différentes ambiances au cours de la pièce. Après une première partie musicale (changeante selon les soirs) les deux protagonistes joue alternativement les rôles de la journaliste et du mot invité à parler de lui.

On est frappé par la diversité, la richesse et la justesse du vocabulaire.

En effet, on imagine facilement que le fait d’inviter la légèreté, le déclic, le secret, la paresse, l’insouciance, la colère ou l’attente peuvent donner lieu à des citations, des précisions de nuances par rapport aux synonymes, et surtout être l’occasion de rire sans aucune vulgarité. On est heureusement surpris de noter que cela reste le cas avec l’infidélité, la virilité, l’érection et même l’onanisme. Et on est complètement ébahi de constater la clarté avec laquelle il est disserté de la procrastination, de la différence entre l’ennuyeux et l’ennuyant, du danger mortel qui menace la pusillanimité ou de la façon dont aucun pédantisme ne vient ternir les explications de l’aboulie.

On se croirait dans un salon tant le ton de la conversation y fait penser. A ceci près que la comédienne qui incarne le mot interrogé ne se contente pas de répondre, elle le vit complètement à travers attitude et mime, ce qui augmente l’effet spirituel des propos. Il faut voir le secret blotti dans son coin ou l’infidélité faisant la fière mais en restant affublée de lunettes noires, la paresse qui déteint sur le comportement de celle qui l’interroge...

On est dans un spectacle tellement bourré de trouvailles qu’on ne voit pas le temps passer, malgré les nombreuses fausses fins qui donnent lieu à autant de jingles musicaux différents. Et avec, en prime, la sensation de se trouver plus intelligent en sortant qu’à l’arrivée, tout en ayant ri de tout son saoul.

Pierre FRANCOIS