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Théâtre : "Candide" en novembre

jeudi 8 septembre 2011, par Pierre François


Tradittore traduttore disent les Italiens... Mais ici, peut-être grâce à la distance prise dans la mise en scène par rapport au récit de Voltaire justement, jamais on ne s’est senti aussi proche du philosophe, de sa verve, de sa veine pamphlétaire !

« Candide » [1] est évidemment l’adaptation du conte de Voltaire. Un air de tuba et clarinette habite une scène nue (sauf à cour un endroit où son stockés les instruments de musique) avant que n’arrive le premier comédien. C’est une sorte d’Arlequin qui arrive et démarre le texte à la façon d’un récitant. On note alors la coordination parfaite qu’il y a entre le récit et l’arrêt ou la reprise de la musique. Arrivent ensuite les autre personnages de Voltaire, masqués, jouant dans un style aussi baroque que comique. La plus grand liberté, dans le choix des mélodies comme dans le changement des costumes, règne sur le plateau en même temps qu’une rigueur de métronome quant au rythme parfaitement maîtrisé de la pièce. Les mimiques sont parfaitement expressives sans être caricaturales.

Une mention spéciale doit être faite pour la scène de l’inquisiteur, particulièrement réussie. On note aussi au passage que ce conte est en fait un véritable catalogue des thèses philosophiques de l’époque qui, toutes, tentent de donner un sens au monde, un monde qui justement a vécu comme un traumatisme énorme le tremblement de terre de Lisbonne, suivi d’un tsunami et d’incendies. Il eut lieu le premier novembre 1755 à 9 heures 40 du matin : la plupart des soixante mille victimes de cette ville de deux cent soixante quinze mille âmes assistaient à la messe de la Toussaint (il y en eut plus encore, peut-être cent mille en comptant les conséquences, du tremblement de terre plus léger au raz de marée, qui eurent lieu du Maroc à la Finlande en passant par l’Angleterre et... la Martinique !). Si « Candide » est un fruit philosophique de cet événement, ce dernier est aussi considéré comme le premier à avoir été analysé scientifiquement (notamment par le jeune Kant) et le premier ministre de l’époque vu comme le fondateur de la sismologie moderne (envoi d’un questionnaire à toutes les paroisses du pays).

Cette pièce est donc à double lecture. Il y a d’une part le ton ironique, mordant, d’un Voltaire en pleine révolte. « Le tremblement de terre de Lisbonne suffit à guérir Voltaire de la théodicée de Leibniz », dira Theodor Adorno... Il y a aussi l’aspect léger et comique de personnages présentés comme des fétus de paille qui, ballotés par la vie (en particulier Cunégonde qui est sans cesse perdue et retrouvée, un peu plus laide à chaque fois), traversent quand même, malgré des choix personnels pas toujours très heureux, les épreuves avec succès....

Et la qualité de la pièce est à la mesure du succès de librairie de Voltaire (vingt rééditions du vivant de Voltaire, cinquante à ce jour...).

Pierre FRANCOIS

Notes

[1] « Candide », spectacle masqué d’après Voltaire. Avec : Bénédicte Budan, Nicolas Biaud-Mauduit, Anne-Dominique Défontaine, Alain Khouani et Rafael Bianciotto (en alternance). Musiciens : Pascal Rousseau (tuba), Nicolas Naudet (clarinette), Jean-Luc Priano (claviers). Mise en scène Rafael Bianciotto. Au théâtre de Ménilmontant, 15, rue du Retrait, 75020 Paris du jeudi au samedi à 20 h 30, dimanche à 15 heures du 3 au 20 novembre 2011. Tél. : 01 46 36 98 60, courriel : resa@menilmontant.info


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