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Théâtre : Blackbird

lundi 24 décembre 2012, par Pierre François


Le meilleur théâtre est sans doute celui qui décrit sans défendre aucune thèse  : on est alors au cœur de l’humanité. C’est ce que fait David Harrower, cet auteur écossais qui a déjà de nombreuses récompenses pour la version originale de « Blackbird  ».

De fait, « Blackbird  » [1] est un spectacle qui tient en équilibre sur le fil du rasoir. Il démarre dans une ambiance de malaise  : il s’est passé quelque chose entre cet homme et cette femme, l’un ayant l’âge d’être le père de l’autre. Quoi  ? On s’en rend compte d’autant plus progressivement que la pièce échappe aux schémas classiques de pensée. Il n’y a là ni condamnation ni justification, simplement un auteur qui s’est documenté autant qu’on peut l’être sur un sujet délicat avant d’écrire. Et qui a pris le parti de dire, sans intellectualiser et sans fard.

La metteur en scène n’en est pas non plus à sa première expérience en matière d’exploration de cas-limite, c’est elle qui avait monté « Grisélidis, la catin révolutionnaire  », histoire de cette prostituée poétesse suisse qui parvenait à parler avec humanité des situations les plus désespérantes.

Le jeu est à la hauteur du texte et de la mise en scène  : d’évidence un lien fort unit ces deux êtres, fait à la fois de haine et d’amour, de répulsion et d’attirance, de reproche et de compréhension, de possession et d’évitement. Joué avec une précision clinique, il ne peut jamais être évalué si ce n’est à l’aune d’une souffrance encore présente, mais dont la cause n’est pas celle à laquelle on pense d’emblée, ou plutôt pas seulement.

On a au total une pièce d’une puissance inhabituelle, qui est à voir pour recevoir une tranche d’humanité avec ses enjeux surprenants et son bilan en forme de rebond  ; et non pour se prononcer, quel que soit le sens dans lequel les préjugés invitent à pencher. Ce qui suppose d’être « bien dans sa tête  ».

Pierre FRANCOIS

Notes

[1] « Blackbird », de David Harrower. Avec Yves Arnault, Charlotte Blanchard, Albertine Villain-Guimmara. Mise en scène : Régine Achille-Fould. Du mardi au samedi à 21 heures jusqu’au 19 janvier au Lucernaire, 53, rue Notre-Dame-des-Champs, 75006 Paris, tél. : 01 45 44 57 34.


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