Theâtre : Avignon, Raimbaud, à moi l’histoire d’une de mes folies

Faire dialoguer danse et poésie est un pari original, qui fonctionne. Le sujet est « Une saison en enfer » de Raimbaud [1]. Un récitant donne le texte sans emphase ni distance excessives. Huit danseuses et un danseur disent dans leur langage gestuel ce que nos oreilles entendent. Parfois, c’est vrai, la parole est plus violente que le geste. « Je suis esclave de mon baptême... C’est l’enfer ! ». La musique est en parfaite harmonie avec texte et chorégraphie, tout aussi libre, qui mêle airs classiques et bruits rythmiques sans qu’à aucun moment le mariage ne paraisse forcé.

« Je suis de race inférieure de toute éternité... sous mon masque, on me jugera de race forte ». Raimbaud est tout et son contraire, explique l’administrateur de la troupe. Là est son humanité, qui nous rejoint tous dans nos replis les plus intimes, les moins exprimés. On sent que le spectacle fonctionne bien à ceci que c’est la même ambiance qui est dégagée par chacune des disciplines artistiques mises en oeuvre. On n’est plus à Avignon, on est nulle part, au royame d’une grâce qui captive, par la pureté, l’originalité et l’expressivité du mouvement. Certes, en guettant, on note deux ou trois tremblements du mollet ou un appui repris, mais un jour de première à Avignon, c’est le moins qu’il pouvait se passer... Et on espère pouvoir prendre à son compte les paroles du poète : « moi qui me suis cru ange ou mage, me voici dispersé au sol... je sais aujourd’hui saluer la beauté ».

Pierre FRANCOIS