Théâtre : "Autour de la folie"

Spectacle bien abouti et traitant son sujet de façon rigoureuse, « Autour de la folie » nous fait redécouvrir ce que nos auteurs disent de la folie. Aussi instructif que passionnant...

« Autour de la folie » [1]est un spectacle exceptionnel ! Arnaud Denis y interprète pas moins de douze extraits de textes traitant de cet état mental. Le fait frappant est qu’à chaque fois que le comédien entre dans la peau d’un nouveau personnage (tous les fous ne se ressemblent pas...), on saisit la totalité du dernier dans la seconde qui suit le début de son interprétation !

Le comédien est parti de cette phrase d’Olivier Wendel Holmes : « la folie est souvent la logique d’un esprit juste que l’on opprime » pour monter son spectacle. De fait, en le voyant, on a effectivement l’impression que si la dépression est un excès de lucidité, la folie est un concentré de logique devenu imperméable – par souci de protection ? – à son environnement objectif (« j’ai vu un être invisible, puisque je vous le dis ! »). En cela les textes de Maupassant, Flaubert, Lautréamont, Michaux, Shakespeare, Karl Valentin et Francis Blanche possèdent une dimension terrifiante, même si les deux derniers auteurs ont choisi un style drôlatique. Certaines phrases ressemblent d’ailleurs à des slogans désespérés : « une clarté est entrée en moi et cette clarté y a fait la nuit », ou « tu es grand, homme, et tu meurs, comme le chien et la fourmi, avec plus de regrets qu’eux ».

Pour seul décor sur une scène vide, on trouve deux chaises. L’une pour le comédien, l’autre pour son interlocuteur imaginaire du moment. Mais, fait étrange qui nous introduit dans cette logique inexplicable de la folie, les sièges rapetissent de plus en plus. Parfois, il s’adresse aussi au public, « mais seulement quand le texte l’exige », précise le dossier de presse.

R égulièrement, des extraits musicaux soulignent la dimension inquiétante du contexte. Sont ainsi mis à contribution des compositeurs aussi différents que Verdi (Dies irae), Lotti (Requiem) ou Amenabar (Film Les Autres)...

On est captivé à la fois par le jeu et par le texte qu’il sert de bout en bout, sans une seconde d’inattention. Parfois, un ou des cris soulignent le désarroi propre à la folie, mais ces hausses de ton restent toujours parfaitement dosées. On comprend qu’Arnaud Denis ait reçu le prix du Brigadier l’an dernier...

Pierre FRANCOIS