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Théâtre : Ala te sonogo / Dieu ne dort pas

vendredi 10 mai 2013, par Pierre François


C’est le délire dans la salle du Grand Parquet pour la pièce Ala Te Sunogo/Dieu ne dort pas [1], et elle le mérite bien.

En effet, elle est l’œuvre de deux comédiens maliens célèbres, proche d’un type de spectacle populaire en France depuis des siècles, la farce. Le talent comique de Diarra Sanogo a été très vite reconnu, dès la première aventure de Bougouniéré. Ce personnage incarne une femme rurale aussi bonne envers autrui que madrée lorsque ses intérêts sont en jeu. Son succès est tel qu’on en arrive déjà au 5e épisode de ses péripéties.

Son complice, Adama Bakayoko, qui interprète plusieurs rôles, dont un de femme, envahit littéralement la scène de son humour ravageur (et qui se révèle jusque dans sa biographie puisqu’il pratique le « kotèba thérapeutique avec les patients du service psychiatrique de l’hôpital Bamakois du Point G » !). Et s’il n’y avait qu’eux !

On ne peut en effet passer sous silence l’incroyable présence du danseur muet, le romantisme généreux et timide de la jeune fille qui en tombe amoureuse - et qui donne lieu à une scène de flirt d’une belle délicatesse - ou la capacité du directeur de centre culturel à personnaliser un discours qui sinon paraîtrait bien idéologique.

Le type de spectacle pratiqué par toute cette équipe est africain, endogène et moderne.

Le Kotèba est une farce traditionnelle burlesque de critique sociale jouée dans les villages bamanans (bambaras) une fois l’an. Cette troupe a su l’actualiser de façon originale à travers la série de pièces mettant en scène Bougouniéré. Par exemple, dans Ala Te Sunogo, elle introduit une forme de chorégraphie qui emprunte à la fois à la danse contemporaine et à la traditionnelle.

Mais c’est toute la mise en scène, depuis la première aventure de Bougouniéré, qui permet au Kotèba de survivre sans virer dans la folklorisation. Le résultat donne un spectacle qui fait autant rire les Africains que les Blancs, car il est fondé sur les mêmes ressorts comiques que la farce ou le carnaval. Par ailleurs, l’auto-dérision pratiquée par les comédiens a une valeur universelle : où ne trouve-t-on pas une corruption ou une paresse à dénoncer ?

Néanmoins ce spectacle reste positif. En effet, sa dimension chorégraphique lui insuffle une force de vie entrecoupée de moments poétiques qui donne un rythme enlevé à l’ensemble. Par ailleurs, parce que - comme le dit le titre - Dieu n’est pas mort, la jeunesse veut et provoque le changement.

Enfin, la pièce rejoint notre actualité : elle concerne le Mali et on constate avec plaisir combien la parole y est encore libre, même si ce spectacle n’y a pas été officiellement programmé (les trois représentations données étaient des "répétitions publiques") depuis le coup d’Etat de décembre 2012.

Pierre François

Notes

[1] "Ala te sunogo / Dieu ne dort pas", de Jean-Louis Sagot-Duvauroux. Avec Adama Bakayoko, Alimata Balde, Diarrah Sanogo, Sidy Soumaoro, Souleymane Sanogo ou Tidiani Ndiaye. Spectacle cree au centre d’art et de culture BlonBa à Bamako. Tout public à partir de dix ans. Du jeudi au samedi à 20 heures, dimanche à 15 heures jusqu’au 26 mai au Théâtre du Grand Parquet, Jardins d’Eole, 35, rue d’Aubervilliers, 75018 Paris, métro Stalingrad ou Riquet, tel. : 01 40 05 01 50, www.legrandparquet.net.


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