Festival off d’Avignon : "La Maîtresse" de Jules Renard (2)

« La Maîtresse » [1] de Jules Renard est une pièce magnifique de subtilité, tant dans la façon dont l’auteur exprime les sentiments que leur traduction concrète. Il y a dans ce spectacle une musique et une justesse du verbe qui ajoutent à la joie de contempler un jeu fin, fait d’avancées tentées pour l’un et de reculs calculés pour l’autre. Pudeur de femme vieillissante ou manipulation d’une expérimentée sur un jeune coq, au spectateur de le sentir comme il l’entend. Il y a une réelle jouissance à entendre la femme dire à son prétendant : « plus vous avez d’argent, les hommes, plus il vous domine ; mais les femmes, on se débrouille pour en avoir et on s’en moque ». Ou encore : « un homme est assez beau pourvu qu’il ait tous ses membres, mais son regard change en ornière une ride de femme ». Car il y a là l’énoncé de lois éternelles, dit avec un tact qui est devenu une denrée rare aujourd’hui. Le récitant, qui introduit chaque tableau par un court exorde, souligne le perpétuel double sens possible avec un brin de malice dans la voix. Un délice...

Pierre FRANCOIS