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Biographie : Carole Fréchette à l’heure de son succès parisien

vendredi 21 novembre 2008, par Pierre François


Carole Fréchette est une auteure qui commence à être comblée autant en France qu’au Québec : deux de ses pièces sont jouées simultanément à Paris en attendant qu’une troisième le soit en janvier et la création d’une quatrième en mars.

Avenante et simple, cette femme de 59 ans a accepté d’éclairer un parcours marqué par une période féministe significative.

Née dans une famille de la « classe moyenne » selon le vocable franco-nord-américain. Elle n’allait pas beaucoup au théâtre et sa première expérience a été celle d’une représentation scolaire. Le rêve de devenir comédienne la caresse alors mais elle n’est pas du genre extravertie… elle en fera pourtant une fois arrivée à l’université – un choix plus acceptable pour ses parents que celui de faire immédiatement des études dramatiques – avant de se présenter à l’école du théâtre du Canada à 20 ans, en 1970. Où elle est presque surprise d’être acceptée.

En en sortant en 1973, elle est prise dans l’effervescence de ces années et décide d’intégrer une troupe féminine militante qui joue des pièces socialement engagées dans des lieux aussi divers que des salles syndicales ou paroissiales (on note au passage que si on se situe juste après la « révolution tranquille » qui a vu la natalité échapper complètement au contrôle de l’Eglise, cette dernière ne censurait pas des pièces sur l’avortement ou la valeur économique du travail ménager au point d’interdire l’accès à ce qui était souvent la seule salle de spectacle du village ; on peut penser, en France et à un degré différent, aux paroisses qui accueillaient Mannick et Akepsimas). L’aventure se termine dans les années 80, alors que l’espoir diffus de changement se heurte au non politique et concret du référendum sur l’indépendance du Québec. Le monde a néanmoins changé, et tellement en matière de condition de la femme que ses spectacles Maman travaille pas, a trop d’ouvrage ou As-tu vu les maisons sans porte ? deviennent datés.

Elle a alors compris que sa vocation est plus dans l’écriture que dans le jeu, et son style évolue : de didactique et efficace mais limité par les objectifs idéologiques, il devient plus poétique. Et au lieu d’intégrer directement le milieu professionnel, en marge duquel elle fonctionnait jusque-là, elle reprend ses études à l’Université du Québec à Montréal et c’est Baby blues (elle vient aussi de devenir mère) qui constitue son mémoire de maîtrise. Cette pièce de transition reprend des thèmes chers à son ancienne troupe du Théâtre des Cuisines, mais dans un style très différent.

Elle sait avec force désormais que les mots doivent être écrits pour passer par la bouche des acteurs et, petit à petit, donne de moins en moins de didascalies. Commence alors un premier cycle d’écriture avec un personnage principal qui cherche un sens à sa vie et sa place dans la société en même temps que les pièces se terminent toujours par un monologue final, aucune rencontre n’ayant pu aboutir entre ce personnage et les autres. Baby blues est terminé en 86, publié en 89 et monté (sans succès) en 91.

C’est dès 88 qu’elle entame l’écriture des Quatre morts de Marie, pièce qu’elle considère comme fondatrice car c’est alors qu’elle découvre l’univers qui l’habite et la façon d’écrire qui lui correspond. Les morts de Marie sont symboliquement celles de l’enfance, du père, de l’incapacité à changer le monde et de celle à y trouver sa place ; elle le quitte donc mais pour mieux y revenir. A ces quatre morts correspondent quatre tableaux de quatre styles différents : conte, drame classique, fête post-moderne, soliloque.

Les sept jours de Simon Labrosse correspond à l’époque où elle laisse tomber tout travail alimentaire, toute sécurité dans une époque marquée par l’angoisse du chômage. Elle confie être les trois personnages de cette pièce : Simon qui rebondit sans cesse en inventant des projets incroyables, Nathalie qui est n’est préoccupée que d’elle-même et Léo qui n’est capable que de se croire nul dans un monde totalement négatif, ces deux derniers personnages cohabitant simultanément dans chaque artiste. Dans cette pièce, l’univers poétique des Quatre morts de Marie est complété par une interpellation directe de la société. Qui semble être universelle dans la mesure où la pièce est rejouée sans cesse depuis 1993…

C’est La peau d’Elisa qui clôt ce premier cycle commencé avec Baby blues.

Durant cette période, on a commencé à lui commander des pièces sur des thèmes auxquels elle n’avait pas spontanément pensé. C’est le cas de « Violette sous la terre », sur l’univers des mines. Dans Jean et Béatrice, elle tente une rencontre, mais on n’échappe pas à soi-même confie-t-elle malicieusement, et celle-ci avorte. Par contre, dans Le collier d’Hélène, elle a lieu.

Aujourd’hui, Carole Fréchette, si elle a abandonné le féminisme revendicatif, estime que la meilleure façon de faire avancer la cause des femmes est de proposer l’universalité de son propre univers à tous. On ne conteste pas le fait que Wajdi Mouawad, un homme, parle à tous ; elle demande la même chose concernant les œuvres des femmes.

Pierre FRANCOIS


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