holybuzz
Accueil du site > Spiritualité > quand la politique sanctifie

quand la politique sanctifie

samedi 31 mars 2007, par Pierre François


Il y a 50 ans était signé les traités de Rome instituant l’Euratom et le Marché commun. Mais c’est dès 1950 qu’a été posé le fondement d’une Europe solidaire, pacifique, fédérale et ouverte sur le monde. En pleine guerre froide, par un croyant dont le procès en béatification est entamé : Robert Schuman.

Un dernier virage, et en haut de la montée se profile un village-rue avec, au fond, un donjon, qui se révélera être une chapelle fortifiée. C’est là, à Scy-Chazelles, au coeur de la Moselle, que Robert Schuman avait acquis une maison dès 1926 [1].En face de cette chapelle des XII, XIV et XVIe siècles dédiée à Saint Quentin, décorée par Arcabas et qui abrite sa sépulture. Rien ne distingue sa maison de n’importe quelle autre demeure rurale. Au contraire d’ailleurs : des deux bâtiments comprenant sa propriété, celui d’époque Renaissance qui abrite une très belle cheminée était celui de son jardinier. Son logis à lui, plus modeste, remonte à la fin du XVIIIe ou au début du XIXe siècle. Piédroits et linteaux ne comportent même pas de moulure. Il s’agit d’une maison sur deux niveaux. Le rez-de-chaussée, bas de plafond et doté de petites fenêtres abrite toutes les pièces utilitaires : garage, fruitier, cuisine, salle à manger… C’est au premier que se trouvent les pièces d’habitation, elles sont plus hautes de plafond et percées de plus grandes ouvertures.

Dans les premières années, cette maison était occupée à la belle saison, Robert Schuman disposant d’un logement à Metz, où se trouvait son cabinet d’avocat. C’est au moment de l’occupation, lorsqu’il se retrouve en résidence surveillée à Neustadt (Palatinat) puis dans la clandestinité, que l’administration allemande, qui occupe les lieux, y installe chauffage central et salles de bain. A partir de 1946, alors que s’entame sa carrière politique, cette maison, située à un jet de pierre de la chapelle Saint-Quentin et du couvent des servantes du Cœur de Jésus où il allait prier le matin, joue le rôle de retraite, et il la fréquente le plus souvent possible.

Ce qui frappe, quand on y entre, c’est d’une part qu’on s’attend à voir le maître des lieux surgir à tout moment par une embrasure, d’autre part le fait que chaque pièce comporte une référence religieuse. Croix dans la cuisine, statue de la Vierge dans sa dernière chambre, revues religieuses dans la bibliothèque, rubrique « religion » dans les archives de sa salle de travail…

On ne s’étonne plus quand on apprend que l’institut Saint-Benoît patron de l’Europe [2] a introduit la cause en béatification de Robert Schuman. Une anecdote est significative : c’est le professeur René Lejeune, dernier secrétaire particulier de l’intéressé, qui a créé cet institut dans le but de défendre la cause en béatification. L’enquête canonique a été ouverte par le diocèse de Metz le 9 juin 1990 et close le 29 mai 2004. Entre-temps s’était créé en Allemagne un comité de soutien à la cause de béatification présidé par Mgr Josef Stimpfle, alors évêque d’Augsbourg. Son travail documentaire a été important, s’agissant d’un homme dont les écrits n’abordent jamais le sujet de la foi chrétienne, même s’ils sont entièrement sous-tendu par celle-ci. L’enjeu est de montrer que la politique aussi peut être un chemin de sainteté. C’est ce que disait déjà Pie XI : le domaine de la politique, qui regarde les intérêts de la société toute entière, est le champs le plus vaste de la charité, de la charité politique, dont on peut dire qu’aucun autre ne lui est supérieur, sauf celui de la religion [3]. Le dossier a été transmis à Rome le 21 juin 2004 et le décret de validité du dossier d’enquête diocésaine promulgué le 10 février 2006.

Durant l’enquête, les témoignages de personnes étrangères à la foi catholique – tel André Philip ou François Mitterrand – ont été particulièrement important du fait de la discrétion tant scripturaire que personnelle de Robert Schuman sur le sujet de la foi. Aujourd’hui, afin de montrer que Robert Schuman, homme consacré, guidé par une voix intérieure et ne cherchant qu’à servir peut être un modèle de sainteté politique, l’institut saint Benoit patron de l’Europe est à la recherche de témoignages de miracles. Peut-on considérer que la déclaration du 9 mai 1950 [4], qui est le premier acte fondateur de ce qui deviendra l’Europe en soit un ? Il est en tous cas incontestable qu’elle avait une dimension prophétique majeure dans la mesure où elle se situait dans la perspective d’une paix et d’une solidarité futures à construire, en pleine guerre froide.

Aujourd’hui où l’économique a pris une place prépondérante, il n’est peut-être pas inutile de réaliser combien la création de la CECA était vue non comme une fin mais comme un moyen. Moyen de rendre la guerre impossible entre pays associés industriellement et de servir la solidarité entre les peuples : la solidarité de production qui sera ainsi nouée manifestera que toute guerre entre la France et l’Allemagne devient non seulement impensable, mais matériellement impossible… cette production [du charbon et de l’acier] sera offerte à l’ensemble du monde sans distinction ni exclusion, pour contribuer au relèvement du niveau de vie et au développement des œuvres de paix. L’Europe pourra, avec de moyens accrus, poursuivre la réalisation de l’une de ses tâches essentielles : le développement du continent africain. Il ira plus loin encore dans Pour l’Europe, son livre testament : L’Europe, avant d’être une alliance militaire ou une entité économique, doit être une communauté culturelle dans le sens le plus élevé de ce terme. Paradoxalement, si Robert Schuman a été signataire de la déclaration du 9 mai 1950, il n’a pas participé à celle des traités de Rome, conclu le 25 mars 1957. Mais fut élu à l’unanimité premier président de l’assemblé parlementaire européenne en mars 1958.

La maison de Robert Schuman a célébré le cinquantenaire du traité instituant l’Euratom et le Marché commun de façon bien appuyée [5]. Et les expositions, ateliers, conférences et concets qui ont alors eu lieu ne faisaient qu’inaugurer des activités qui ne seront pas interrompues par les travaux d’agrandissement de cette maison de l’Europe. Et si notre grnde Europe en prenait de la graine ?

Pierre FRANCOIS

Notes

[1] 8-12, rue Robert Schuman, 57160 Scy-Chazelles, tél. : 03 87 60 19 90, maison-robert-schuman@cg57.fr, www.cg57.fr. Ouverture du 1er avril au 30 octobre tous les jours sauf mercredi, accueil des groupes sur rendez-vous, et du 1er novembre au 30 mars uniquement aux groupes sur rendez-vous.
On peut visiter d’autres maisons de pères de l’Europe, telle celle de Konrad Adenauer, à Rhöndorf, à 18 km de Bonn. Tél. : 022 24 – 7 10 83-5, fax : 022 24 – 7 95 03. www.adenauerhaus.de/, info@adenauerhaus.de. Ou, à 40 km de Paris, celle de Jean Monnet à Houjarray. www.jean-monnet.net, ajmonnet@club-Internet.fr, Tél : 01 56 33 71 00.

[2] Secrétariat : 28 bis, rue Charles de Gaulle, 57950 Montigny-lès-Metz, tél. : 03 87 56 17 55

[3] Discours du 18 décembre 1927 à la Fédération universitaire catholique italienne

[4] texte intégral sur http://europa.eu/abc/symbols/9-may/decl_fr.htm

[5] avec le partenariat du Centre européen Robert Schuman

3 Messages de forum

  • quand la politique sanctifie

    20 mai 2008 19:21, par Jacques-René Rabier

    J’ ai lu avec grand intérêt votre article sur Robert Schuman qui, en mai 50, a eu le courage de "prendre en charge politiquement" la fameuse Déclaration d’où est née la "Communauté européenne". Mais il eut été historiquement correct de rappeler que cette initiative vient de Jean Monnet, alors Commissaire général au Plan. La Déclaration du 9 mai a été conçue et écrite par Monnet et son équipe, en liaison avec un membre du cabinet de Schuman. On peut dire, en bref, que, sans Monnet , il n’y aurait probablement pas eu de "déclaration Schuman" et qu’inversement, sans Schuman, le memorandum de Monnet se serait sans doute perdu dans les archives du QSuai d’Orsay.

    Jacques-René Rabier, ancien directeur du cabinet de Jean Monnet

    <j-r.rabier@skynet.be>

    • quand la politique sanctifie 21 mai 2008 14:08, par Pierre François
      Merci pour ce point que j’ignorais (et qui dans mon souvenir n’était pas mis en valeur à la maison de Robert Schuman). Mais puisqu’on parle de Monnet, pourquoi est-il si détesté par les milieux souverainistes opposés à la constitution européenne ? Je fais ici référence au livre "France, Québec, Wallonie : même combat" d’Albert Salon. Bien sincèrement Pierre FRANCOIS
    • quand la politique sanctifie 15 décembre 2012 16:29, par Anouck
      Vous avez eu la bonne idée d’aller direct à l’essentiel. Grand merci !

      pneu pas cher 54


      pneu pas cher calais - pneu cher - pneu pas cher 76 pneu euromaster

Suivre la vie du site RSS 2.0 | Plan du site | Espace privé | SPIP | squelette