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Livre : Cahiers secrets d’une costumière de théâtre

vendredi 4 mai 2012, par Pierre François


Alors que l’on voit de plus en plus de comédiens jouer – parfois bien, là n’est pas la question – en vêtement de ville, Pascale Bordet nous rappelle opportunément la magie que le costume contribue à créer.

En effet, « Cahiers secrets d’une couturière de théâtre » [1] est au départ le fruit... d’une colère ! Celle de voir un métier mourir du fait qu’en période d’économie, un des premiers réflexes est de faire jouer les comédiens en habit de ville.

Dira-t-on qu’on est heureux que Pascale Bordet, une femme qui est passé par l’école des Beaux-Arts avant d’être reconnue par les plus grands théâtres dans son métier actuel, ait eu ce coup de sang ? Oui, car elle livre là un ouvrage magnifiquement illustré, par elle pour les aquarelles, par sa complice – également reconnue dans sa discipline chez les comédiens – Laurence Lot pour les photos.

Le format du livre (31 x 24 cm) est à peine plus grand que l’ « Histoire du théâtre dessinée » d’André Degaine, un livre de référence sur l’art dramatique. Le parallèle ne s’arrête pas là. On retrouve la même division en courts chapitres et le texte entourant les illustrations.

Par contre, dans l’ouvrage de Pascale Bordet, les illustrations sont en couleur et prennent la majeure partie de la page, le texte ne jouant qu’un rôle de légende ou de complément par rapport à l’atmosphère que dégage l’image. Si l’on est pas dans la caricature, on est cependant déjà dans la restitution d’une humeur.

Pour en terminer avec ces comparaisons formelles, les « Cahiers secrets d’une couturière de théâtre » s’inspirent certes de la présentation de la somme historique que tout le monde connait, mais en beaucoup plus beau !

Les aquarelles contenues dans ce livre relié n’ont pas toutes été réalisées pour les besoin de son écriture, elles sont le moyen habituel de communiquer un projet vestimentaire à un metteur en scène, histoire de s’entendre sur le caractère que doit exhaler le personnage. Car, explique-t-elle, c’est en enfilant le costume que l’acteur devient son personnage. Le rapport entre les deux est intime et fort. L’habit de scène, de par une fragilité qui n’a d’égale que sa coupe parfaitement adaptée à la morphologie de celui ou celle qui le porte, demande le respect. Le même que celui que l’on doit au texte et à la créature de l’auteur.

Une mise en scène, rappelle-t-elle encore, n’est pas la même avec ou sans costume. Au théâtre, tout est illusion, et le vêtement doit lui aussi apporter sa pierre à cette construction imaginaire. Décors et lumières deviennent alors un écrin, qui participe de la même démarche. C’est pourquoi la nécessité d’un habit s’impose même dans le cas du théâtre contemporain, pour créer une distanciation qui fasse rêver le public.

C’est justement à ce public qu’elle a pensé (du côté des metteur en scène il y a ceux « à costume » et les autres, de même qu’il y a les salles qui y consacrent un budget ou non, et c’est assez définitif) en créant ce livre. Elle a voulu lui montrer ce qu’il ne voit jamais, de la même façon que la personne qui va au restaurant ne connaît pas la recette du plat qu’on lui sert. Alors, pas à pas, parce qu’elle sait que cela ne dénaturera pas le résultat final, elle montre les différentes étapes de la conception d’une pièce.

Car, si dans un bon premier tiers du livre, elle parle de l’apprentissage de son métier aux conditions de travail en passant par quelques trucages (l’acteur qui sort de scène et rentre dix secondes après en grand brûlé, entouré de bandelettes, par exemple), elle fait entrer ensuite le lecteur dans les loges, les coulisses, derrière le rideau... On ne peut pas ne pas penser à la pièce très intelligente de Jacques Kraemer « Agnès 68 », qui montre, durant ce printemp-là, les angoisses et interrogations d’une troupe en tournée en réussissant ce tour de force de ne pas paraître nombriliste. Pascale Bordet parvient, dans sa partie, au même résultat. Car on en oublie presque, par moment, qu’il s’agit un peu plus de théâtre que de chiffons. Quand même...

Pierre FRANCOIS

Notes

[1] « Cahiers secrets d’une costumière de théâtre », aquarelles et texte de Pascale Bordet, photos de Laurencine Lot. Et la participation de Francis Huster, Jacques Weber, François Morel, Juliette... 24 x 31 cm, 232 pages, 45 €, Éditions Hervé Chopin, ISBN 9782357200920.


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