« À bout de sueur » est une pièce dont on ne sort pas indemne. Loin de se présenter comme un divertissement, elle est en prime excellemment jouée. Le thème ? On le devine lorsqu’en entrant dans la salle, l’on réalise que tous les comédiens sont africains (le seul blanc est le musicien). Si elle traite certes du mirage de l’émigration, c’est sous l’angle local du malheur familial, de la vie sans issue pour une mère délaissée dans un contexte patriarcal. Mais aussi de la compatriote qui tente à l’aide de demi-vérités, en cachant comment elle est arrivée, en racontant un conte de fée.
La scène devant l’écran d’un site de rencontre est, de ce point de vue, particulièrement pertinente.
La mise en scène a su éviter un trop grand réalisme tout en faisant éprouver, par les dialogues, le tragique de situations aussi banales que sans issue. Loin de culpabiliser qui que ce soit, elle montre simplement la nudité d’une vérité, la cruauté non pas d’un mais de plusieurs systèmes oppressifs qui se conjuguent. Nulle caricature non plus, mais au contraire toute une palette de nuances qui n’ont en commun que de se situer dans un contexte tragique. La musique est ici non pas d’accompagnement, mais réellement présente et participante à l’élaboration des émotions. On est ici face à un théâtre rare tant par les talents déployés que par la force qu’il dégage.
Pierre FRANÇOIS
« À bout de sueur », de Hakim Bah. Avec Diarietou Keita, Vhan Olsen Dombo, Claudia Mongumu, Victor Pitoiset. Mise en scène : Hakim Bah et Diane Chavelet. Du mardi au samedi à 21 heures, dimanche à 17 h 30 jusqu’au 5 décembre au Lucernaire, 53, rue Notre-Dame-des-champs, 75006 Paris, tél. 01 45 44 57 34, http://www.lucernaire.fr/a-l-affiche/4216-a-bout-de-sueurs.html
Photo : Raphaël Kessler.