Témoin à charge.
Pour Nicolas Lambert : « l’homme européen n’est pas assez rentré dans l’histoire ». Défaut qu’il s’est donné pour mission de corriger souvent par le rire dans son dernier spectacle.
Non, l’empire, ce n’était pas la paix. Même après 1945. Sans complaisance, il dresse un panégyrique ébouriffant des glorieux « faits d’armes » de notre armée au temps béni des colonies et plus tard. Il dynamite tout, nos gloires militaires, les Lyautey, les Bugeaud. Une mission civilisatrice fondée sur la carotte et le bâton et une Françafrique qui ne renonce à rien. Sans oublier les petits massacres entre amis, un peu partout. On croit tout connaître, il y en a encore. Je garderai en mémoire la voix de ce brave pilote d’hélico, qui a vécu ses plus belles années à bombarder les populations civiles au phosphore dans une guerre oubliée de l’empire… Au scalpel, Nicolas Lambert, avec parfois quelques longueurs, dénude les horreurs, les injustices, les lâchetés, les mensonges et les ridicules des trop nombreuses guerres de la France Empire.
Pourtant, sa pièce ne se cantonne pas à un catalogue des ignominies de nos guerres passées (en attendant les suivantes). Avec son remarquable talent d’imitateur, il nous plonge dans un passé pas si lointain qui ne passe pas. Il met à la fois en lumière l’image de la guerre pour un peuple et notre impressionnante incapacité française à regarder l’histoire en face. Les méchants, c’est les autres. Il souligne le décalage entre nos valeurs républicaines et leur mise en pratique sur le terrain. En creux, il met en évidence l’image ternie de la France coloniale et post-coloniale dans le monde. Allez sans hésiter écouter Nicolas Lambert.
DILLINGER
« La France, empire, un secret de famille national », de, mis en scène et avec Nicolas Lambert. Coup de cœur Avignon 2024 Amnesty International. Au Théâtre Le 11·Avignon jusqu’au 21 juillet à 10 h, puis au Festival La Belle Rouge (Saint-Amant-Roche-Savine) du 25 au 27 juillet.
Photo : Pauline Le Goff.