Thème fort, traitement tendre.
« Marion 13 ans pour toujours » traite – bien – du cyber-harcèlement scolaire. C’est assez rapidement qu’est révélé le fait que les parents dialoguent avec un souvenir, de la même façon que la mère de Marion Fraisse s’adresse à sa fille dans le livre dont est tirée la pièce. Le rôle de la fille morte est très crédible, avec ses pudeurs et sa tendresse. L’on sent la mère habitée par la révolte, une révolte intérieure, qui ne s’exprime que par la tonalité des propos et quasiment jamais par leur volume ; une révolte qui prend racine dans la méditation du passé, la recherche des signes, des indices, pour savoir, pour comprendre. Le père est plus réservé, dans une oralité qui cherche à expliquer ; on le sent gauche et désorienté, ne sachant plus comment – a-t-il jamais su ? – manifester son attachement. Les autres rôles – le médecin, le professeur principal, le professeur de français… – sont, à l’exception de celui du père de Romain, traités à plus gros traits.
C’est qu’ils n’ont pas l’importance des précédents, ne servant qu’à montrer le caractère de Marion ou les rouages d’une machine administrative qui déteste être mise en cause. Ce dernier angle est particulièrement bien montré, et surtout comment l’on fait tout pour éviter les vagues : exclusion des élèves suspects d’être à problème, isolement de ceux par lesquels le scandale arrive, rétention d’information.
Le spectacle parvient à traiter ce sujet aussi sensible qu’actuel avec une forme de poésie, ce qui évite l’écueil du réalisme, lequel ferait refuser le propos du fait de sa gravité. On ressort de là avec certes des questions, mais aussi des éclaircissements sur le fonctionnement tant des institutions scolaires que d’une adolescente qui n’a pas osé prendre sa place.
Pierre FRANÇOIS
« Marion 13 ans pour toujours », adapté du livre éponyme de Nora Fraisse et Jacqueline Rémy par Frédéric Audrau et Valérie Da Mota. Avec : Valérie Da Mota, Renaud Le Bas, Nina Thièblemont. Mise en scène : Frédéric Andrau. Du mercredi au samedi à 21 h 15 jusqu’au 23 avril au théâtre Les Déchargeurs, 3, rue des déchargeurs, 75001 Paris, tél. 01 42 36 00 02, https://www.lesdechargeurs.fr/spectacles/marion-13-ans/. Métro Châtelet, sortie rue de Rivoli nos pairs ou Rue Bertin Poirée ; RER Châtelet-les-Halles, sortie Porte Berger.
Photo : Pierre François.