Théâtre : « L’Enfer », de J.-L. Jeener au Théâtre du Nord-Ouest à Paris.

Débat.
« L’Enfer » est une pièce de Jean-Luc Jeener qui met en présence un prêtre de Saint Nicolas, un autre de Saint Merri et une franc-maçonne autour du point de savoir s’il est opportun de donner l’extrême onction à un ami des deux derniers qui est en train de mourir. Passé la scène d’exposition qui joue sur l’émotion engendrée par l’agonie d’un proche, on dérive rapidement, et avec bonheur, vers un débat équilibré entre les arguments intellectuels et la sensibilité par rapport au sort concret d’une personne habitée, comme nous tous, par un nombre conséquent de contradictions. Nul n’est caricaturé, au point que la conviction de l’auteur ne transparaît pas à travers les dialogues. Le quatuor des comédiens – Love Bowman, Marie Hasse, J.-L. Jeener, Pierre Sourdive – est exceptionnel, mis en scène qu’il est par Jean Tom.
Mais il faut bien chicaner un peu et on notera donc, du point de vue de la forme, que parfois les rebondissements sont si rapides qu’on a du mal à suivre* et, quant au fond, que d’une part l’auteur fait partie de ceux qui citent le début du psaume 22 (« Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ») sans mentionner sa fin glorieuse, d’autre part, qu’une réplique malheureuse semble assimiler les enfers et l’enfer. 
Il reste néanmoins certain que chacun des personnages est complètement crédible, au point que l’on pourrait mettre les noms de personnes de notre connaissance sur tous. Leur sincérité et leur absence de malignité sont bien mises en évidence. La religion du prêtre traditionaliste, qui contemple d’abord le péché et le rachat à travers le sacrement, est fidèle à ce qu’on entend dans ce milieu. Celle du prêtre en civil, qui voit d’abord la rédemption au-delà du sacrement et le bien qui émane d’une âme droite, l’est tout autant. Les provocations ou interrogations de la franc-maçonne ne sont pas outrées. Il serait injuste de ne pas mentionner le jeu de l’épouse de l’agonisant car, même si la comédienne est cantonnée dans le registre unique du désespoir et de la torture émotionnelle, elle le rend très bien et sans jamais lasser. La pièce dans son ensemble pose les éléments du débat, elle n’impose rien. 
Pierre FRANÇOIS
« L’Enfer », de J.-L. Jeener. Avec  Love Bowman, Marie Hasse, J.-L. Jeener, Pierre Sourdive. Mise en scène :  Jean Tom. Au Théâtre du Nord-Ouest, 13, rue du Faubourg Montmartre, 75009 Paris, métro Grands boulevards, tél. 01 47 70 32 75. À 20 h 45 le 28 janvier, sera repris après l’intégrale Ibsen qui va courir de février à juillet.
* De ce point de vue, il serait heureux que le texte soit édité.

Photo : Pierre Francois

Une réflexion au sujet de « Théâtre : « L’Enfer », de J.-L. Jeener au Théâtre du Nord-Ouest à Paris. »

  1. J’ai beaucoup aimé la pièce. Les 2 prêtres énoncent leurs arguments avec force et conviction :belle dialectique théatrale . Les arguments de la Franc-maçonne sont moins clairs et ne reflètent pas la pensée des obédiences déistes ( GNLF), qui s’appuient sur la Gnose et la part de divin qu’il y a en chaque homme et qui le rend immortel , quoiqu’il arrive!

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