Feuilleton : « Chaînon manquant », par LTL : conclusion.

Les deux frères furent surpris de cette demande. Ils ne s’y attendaient pas. Paul comprit que, cette fois-là, pour de bon, il était contacté, ou du moins il pouvait l’être en répondant favorablement à cette demande. Mais il se rappela alors des paroles du magicien : « Vous n’êtes pas votre tête », et il comprit ainsi ce que cet homme étrange voulait dire.
Pour cette organisation, la confrérie du serpent, l’important était de conserver un secret. Et celle-ci les jugeait prêts, lui et son frère, pour recevoir un enseignement. Mais, tous deux le savaient, ils n’avaient pas besoin de connaissances cachées. Ils n’avaient pas besoin de secrets, ni de vivre dans le secret. Là n’était pas le plus important. Et ces élites mondiales, croyant tout savoir, se considérant comme des êtres au-dessus des autres, semblaient après tout bien malheureuses, à croire que rien ni personne ne puisse les atteindre. Les deux frères savaient à présent quelle était leur place. Ils n’étaient ni plus ni moins importants qu’un autre. C’était leur force. Car à ce moment-là, chacun pouvait leur apporter quelque chose et ils pouvaient apporter quelque chose à chacun.
Les deux frères ne se concertèrent pas l’un l’autre. Mais aucun des deux ne fit suite à ce message. Et s’il y avait bien un numéro de téléphone à contacter sur ce courrier, chacun s’en débarrassa.  Ils se sentirent alors soulagés. Vivre dans le secret aurait été un enfer. Ils préféraient rester un homme parmi d’autres. Un homme qui vit, qui fait la fête, qui aime. Un homme sans complication, sans jugement, sans trop d’ego ou d’orgueil. Et la vie enseignait cela. 
Ils avaient compris quel était le « chaînon-manquant », du moins une version possible.
Ni des dieux, ni des bêtes. Ils étaient seulement humains, et c’était déjà cela. 
Il y a des milliers d’années, des êtres intelligents avaient rencontré des êtres moins intelligents. Et, ensemble, ils avaient réalisé de grandes choses. Construire des monuments, vivre des expériences les uns avec les autres, communiquer… Et si être conscient apportait une certaine sagesse, les êtres intelligents avaient eu besoin des êtres moins intelligents. Parce que dans l’univers tout a une place et tout est essentiel. Les humains avaient fini par se considérer comme dieu, étant des créateurs. Croire être créateur impliquait pourtant une responsabilité. Et n’était pas une fin en soi. C’est avec humilité que Jean et Paul comprirent que, ce qui compte ce n’est pas la destination mais le chemin. 
Les deux hommes étaient issus d’une lignée élitiste. Mais, avec l’amour que leurs deux parents leur avaient donné, peu importe la quantité de sang bleu qu’ils avaient dans les veines. Ils étaient humains, capables d’aimer, et là était l’essentiel. Le chaînon-manquant, en réalité, était le pont entre la bête marquant son territoire, faisant seulement en fonction de soi et l’homme, qui construit une société et créé à son tour pour lui comme pour son clan, qui aime les siens et au-delà.
Au fond, il ne s’agissait plus de survivre, mais de vivre.

 

Photo : LTL

Une réflexion au sujet de « Feuilleton : « Chaînon manquant », par LTL : conclusion. »

Répondre à Telle Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *